Alors que son père, haut fonctionnaire, et sa mère, employée de banque le prédestinaient à une carrière d’avocat, Christian Abégan va très tôt tomber amoureux de la haute gastronomie en fréquentant assidument la cuisine de sa grand-mère. C’est ainsi que le célèbre chef, aujourd’hui à la renommée mondiale, qui a grandi au Cameroun entre Douala et Yaoundé, va progressivement se laisser emporter par sa passion au point de convaincre ses parents, -avec l’aide d’un autre membre de sa famille-, de le laisser apprendre et se former à un niveau lui permettant de rivaliser avec les plus grands chefs du continent.
Issu d’une formation classique à l’instar d’autres grands chefs africains comme lui, Christian Abégan est diplômé de l’école du Cordon bleu de Paris. Il a aussi longtemps exercé auprès de chaînes hôtelières africaines avant de changer radicalement de cap:
«Pour aller vers l’autre, il faut lui réserver tout ce qu’on a de meilleur. L’ouverture dans le monde de la gastronomie nécessite que des échanges de recettes et d’ingrédients soient mieux faits de manière à ce que l’on puisse découvrir qui nous sommes. Quand vous allez montrer aux autres ce que vous êtes, vous devenez l’ambassadeur culinaire de votre continent. C’est très important pour les cultures et les peuples du monde de partager toutes ces richesses»,explique-t-il
Ainsi, ce grand chef cosmopolite, avec les pieds bien ancrés dans sa terre africaine natale, a-t-il toujours milité pour les mariages de saveurs venant du monde entier. Pour lui, en effet, l’essentiel est de pouvoir rendre l’Afrique culinaire accessible à tous, même à ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur le continent.
«Depuis mes débuts, j’ai toujours eu à cœur la valorisation de nos produits. C’est un état d’esprit que je cultive depuis mes débuts, car j’ai toujours voulu proposer des recettes nouvelles. Mais il s’agit aussi d’un travail identitaire parce que je veux que nos produits africains soient représentés sur les tables du monde entier. Et aussi parce que l’Afrique doit être reconnue à l’extérieur pour la qualité de ses produits. Pour ne parler que des épices, on a par exemple « le poivre de Penja » du Cameroun qui est utilisé par les plus grands chefs partout dans le monde. C’est déjà une grande victoire», explique-t-il
Grâce à la recherche depuis trente ans de nouvelles saveurs culinaires à travers les fusions, ce grand chef camerounais est parvenu à offrir une palette de recettes originales qui sont le résultat de sa créativité culinaire. Pour lui, il s’agit de créer un lien naturel et social afin rassembler les peuples du monde entier:
«La table est un élément qui rassure. C’est un élément sociétal grâce à la tradition du repas traditionnel partout dans le monde. Dans beaucoup de pays, on dine ensemble pour renforcer une cohésion sociale qui devient de ce fait plus importante. Les produits de la gastronomie africaine sont des éléments d’une identité culturelle que nous pouvons utiliser pour faire voyager nos convives», affirme le chef Abégan
Auteur d’un ouvrage intitulé «Le Patrimoine culinaire africain», paru en 2017 aux éditions de Michel Lafon dans lequel il invite le lecteur à participer à «un voyage culturel, gourmand et coloré» à travers des recettes exécutées avec pédagogie, Christian Abégan, qui aime partager ses astuces et autres conseils culinaires, est intarissable sur le sujet.
Grâce à son parcours atypique et riche en aventures, il a ainsi pu découvrir de multiples horizons culinaires lui ayant permis d’asseoir sa renommée. Riche de ces multiples expériences, cet ambassadeur de la cuisine africaine n’omet jamais de rappeler la place du continent sur les tables du monde entier:
Pour lui, la richesse culinaire africaine n’est plus à démontrer et ne demande qu’à mieux se faire connaitre sur les tables du monde entier.
«Il faut qu’on se réapproprie notre propre culture culinaire. Il faut qu’elle rencontre les autres cultures dans les sommets internationaux. J’ai pu faire gouter du Ndole [une sauce très prisée au Cameroun faite à base de plante légumière aux feuilles amères, ndlr] à des chefs étrangers qui n’avaient aucune idée de quoi il s’agissait et étaient même réticents. Tout réside parfois dans la présentation, dans l’explication et dans les mélanges de saveurs. Il faut savoir mieux vendre ce que nous proposons de meilleur et de rare», suggère Christian Abégan
Pour ce Camerounais né en 1965, la nouvelle génération de jeunes chefs qui est en train d’émerger doit pouvoir trouver des repères solides dans la tradition culinaire africaine, mais aussi oser innover:
«Tout ce que je fais, je le fais avec une méthode précise parce que je cherche à garder l’ADN de la culture ou d’un produit pour qu’effectivement ça reste l’élément principal. Ce n’est pas de la prestidigitation culinaire, c’est tout un travail de recherche à faire pour réussir à garder les équilibres gustatifs. Il faut que les jeunes puissent s’en inspirer sans perdre le sens de l’équilibre. Et, pour y parvenir, il suffit de garder un esprit d’ouverture tout en essayant d’être le plus original possible, conclut-il.